Quand développement personnel et culte de la performance font bon ménage
Rien que l’appellation « développement personnel » prête à réflexion, vous ne trouvez pas ?
L’injonction typique « Deviens la meilleure version de toi-même » représente à merveille cette notion de toujours plus ou de jamais suffisant. J’énumère d’autres injonctions du même style dans l’article « Réhumaniser le développement personnel et le métier de coach ».
D’ailleurs je suis même tombée il y a quelques jours sur un article Linkedin qui mettait en avant le fait que le développement personnel des salariés était profitable à l’entreprise en les incitant à rester au top et à réussir dans un monde ultra-performant.
Mais est-ce que le véritable développement personnel ne résiderait pas dans la soustraction plutôt que l’addition ? Dans la simplicité plutôt que dans la surenchère?
Sommes-nous réellement ici pour nous améliorer ?
Franck Lopvet l’explique très bien : « La vie ne peut pas être échouée tout comme elle ne peut pas être réussie. La vie est juste là pour être vécue. » Est-ce que l’expérience de ma vie n’est-elle pas juste d’être l’expérience que je vis à l’instant T dans toute sa simplicité ? Nous sommes ici pour « être ». Et c’est déjà pas mal, non ?
Et pour aller plus loin, est-ce que l’idée de courir derrière un futur meilleur, une version meilleure de soi-même, ne serait pas finalement une fuite de soi (contraire à l’idée même de développement personnel on est d’accord !) ?
Surfer sur l’idée d’une recette miracle
Quand on regarde les titres d’une bonne partie des livres de développement personnel, voire même de programme d’accompagnement, le message est globalement « voici la recette miracle. »
Manifeste ta vie, deviens la meilleure version de toi-même, investis en toi, reprogramme ton subconscient, guéris grâce à la pensée positive, 5 clés pour hacker ta vie, retrouve la lumière en toi en 7 étapes, …
Bon certes, j’exagère un peu mais finalement pas tant que cela ! Ce qui est gênant selon moi dans cette approche c’est qu’il n’y a aucune notion de personnalisation et de prise en compte des individualités.
Des effets contraires aux effets escomptés
Combien de personnes ingurgitent des livres de développement personnel et des contenus sur des réseaux sociaux ou toute autre plateforme, sans pour autant que cela n’ait un véritable impact dans leur vie ? Quelles répercussions sur eux finalement ?
Il doit certainement en exister plus d’une, celles qui me viennent immédiatement en tête sont notamment :
Sentiment d’échec : à en croire les belles promesses vendeuse, le bonheur est à la portée de tout le monde, il suffit de vouloir pour pouvoir. Si tu n’y accèdes pas c’est anormal (sous-entendu tu échoues).
Perte de confiance en soi : cette énième tentative vécue comme un échec, couplé à des actions mises en place mécaniquement sans pour autant qu’elles correspondent au fonctionnement naturel de la personne, engendre une méconnaissance accrue d’elle-même. Généralement on couple le tout avec une déferlante de pensées maltraitantes du style : « les autres y arrivent et pas moi, je suis nul. ». Conséquence logique : la jauge de confiance en soi diminue au fur et à mesure de l’augmentation de la sensation d’impuissance. Un peu dommage quand on pense que le but recherché était justement l’inverse.
Sentiment de manque : quand on cherches à tout prix à vivre des situations positives, ou que l’on souhaite être dans l’abondance à tout prix, est-ce que cela ne reviendrait pas à justement accroitre le sentiment de manque ?
Rejet des émotions désagréables : la positivité en dépit des évènements tragiques qui peuvent nous toucher, peut amener à une invalidation de nos sentiments négatifs, cette invalidation pouvant entraîner des symptômes dépressifs. Sans aller si loin, en se focalisant sur le mindset, on oublie que l’être humain n’est pas qu’un cerveau. C’est aussi des émotions, un vécu, des blessures, des traumatismes. Demander à une personne qui a vécu des traumas plus ou moins lourds de travailler sur son mindset et vous pouvez être sûrs qu’il ne parviendra pas au résultat attendu, car bloqué par des peurs inconscientes.
Consommateurs plutôt qu’expérimentateurs : « J’ai beau lire, acheter des formations, assister à des conférences et pourtant je n’y arrive pas. » Combien de fois ai-je rencontré, voire accompagné des personnes qui multiplient les lectures, achats de formation. Cela alimente l’intellect. C’est intéressant mais pas suffisant. L’intégration des concepts passe avant tout par la « vivance » d’expériences de toute sorte au quotidien et les apprentissages qu’on en retire en cas de « réussite » mais surtout en cas de « râté ».

Cet engouement pour le développement personnel profite à un business bien juteux
Avec la notion de développement personnel coexiste aussi l’idée que cela ne se termine jamais. Et je suis pleinement d’accord avec cette idée, c’est le chemin de toute une vie. A 80 ans dans mon petit fauteuil, j’apprendrai encore sur moi. Et franchement cette vision me plaît !
Mais ce caractère d’infinitude de l’évolution personnelle sert aussi à la vente sans fin, en venant sans cesse alimenter de nouveaux besoins. « Seras-tu prêt pour le next level ? » Encore une phrase qui me hérisse le poil !
Cet art de susciter de nouveaux besoins pour déclencher de nouvelles ventes n’est rien d’autre que l’utilisation de techniques de marketing standard dans un domaine qui a le vent en poupe. Production massive de contenus, de nouvelles offres, de nouveaux best sellers, …. ; tendance à la mise en avant d’une abondance financière, d’une vie de luxe, de voyages, de temps libre, . Derrière, le message est : « j’ai réussi à accéder à cette vie de rêve, si tu suis mon programme ou les conseils de mon livre, toi aussi tu y parviendras. »
Et si on donnait un autre sens au développement personnel ?
Est-ce qu’à un moment donné, en tant que professionnels, on ne pourrait pas être plus vigilants dans les messages véhiculés ? Je crois que nous avons une responsabilité au regard des personnes se trouvant dans une phase d’extrême fragilité.
Et si on arrêtait d’entretenir le besoin, voire le sentiment de dépendance à un énième sauveur ? Notre rôle n’est-il pas de favoriser l’autonomie pour que nos clients n’aient plus besoin de nous par la suite ?
Et si le développement personnel revenait simplement à accepter notre condition humaine et notre parfaite imperfection ?
Dans ma conception, le développement personnel se base sur une « vivance » des émotions en les laissant nous traverser (sans vouloir les gérer par le mindset) puis d’en être le témoin. Et ainsi nous pourrons comprendre ce qu’elles sont venues me dire. Pourquoi ai-je été autant en réaction dans telle situation ? Pourquoi ai-je senti mon corps vibrer à l’idée d’entamer tel projet ?
Le développement personnel et la spiritualité sont là, en nous. Chaque instant de vie, chaque émotion, chaque réaction du corps vient nous délivrer des messages.
L’humain n’a pas à chercher à évoluer, le chemin de vie est par essence évolutif.
