Disclaimer
Je ne suis pas une anti-développement personnel, bien au contraire. Ma forte tendance à l’introspection m’amène naturellement à être intéressée par tout ce qui touche au fonctionnement de l’humain. Je suis moi-même dans ce domaine depuis plusieurs années maintenant, j’en retire encore aujourd’hui des bénéfices indéniables. Mais comme pour tout, j’essaie de garder un œil critique. Cet article a vocation à vous amener à aiguiser le vôtre en apportant de la nuance. Il y a du bon et du moins bon dans tout. Dans les lignes suivantes, il ne s’agit que de mon humble avis. Il vaut ce qu’il vaut et n’a pas à vocation à être ou devenir le vôtre forcément.
La course folle à la transformation personnelle
Les livres, vidéos, podcasts sur le développement personnel pullulent, mettant en avant pour une bonne partie d’entre eux des recettes miracles pour atteindre le bonheur. Des approches aussi séduisante que prometteuses. Comme si une méthode universelle pouvait correspondre aux 7 milliards d’humains que nous sommes.
Une course folle à la transformation personnelle, à l’évolution, à l’épanouissement, au bonheur:
- « Deviens la meilleure version de toi-même »
- « Elève ta fréquence vibratoire »
- « Guéris tes blessures »
- « Investis en toi »
- « Fais taire ton ego »
- ……
Une multitude de phrases ou théories bien convenues. Devenues pour moi platoniques car surutilisées, certaines commencent à m’inquiéter. Alors qu’on leur confère des bienfaits évolutifs, certaines méthodes peuvent en réalité être involutives voire même dangereuses.
Involutives car elles génèrent de nouvelles injonctions et par là même une nouvelle forme de pression et de culpabilisation lorsqu’on n’y parvient pas, maintenant, tout de suite. Encore une fois cela revient à demander à la personne de se conformer à ce que à ce qu’il « faut» faire, à ce qui marche, à rentrer dans un nouveau moule.
Involutives car ce n’est encore une fois un modèle calqué sur celui de la performance, avec de nouvelles formes d’excès et de perfection en s’efforçant de devenir toujours mieux que ce que nous sommes déjà pour accéder à la « prochaine version de soi ».
Dangereuses car c’est dans cette phase de transition de vie voire de chaos, que la personne va faire appel à un coach. Dans cette période délicate, elle va être d’autant plus encline à se rapprocher d’un « sauveur » qui va la rassurer sur ses doutes. Et comme dans n’importe quel type de relation sauveur – sauvé, les abus de confiance, pouvoir et autres emprises peuvent facilement s’installer.
Quand un domaine fonctionne, les dérives ne sont jamais loin
Vendre du rêve à des personnes n’est en soi pas forcément blâmable. Mais utiliser la vulnérabilité voire la fragilité de certaines personnes pour vendre toujours plus de produits à des prix dépassant tout entendement, là cela me paraît condamnable.
Depuis quelques années, on surfe sur la vague de la quête du bonheur. Qui n’est pas tombé sur certaines conférences (ou dois-je dire des show) où les conférenciers haranguent leur auditoire pour qu’ils finissent par acheter le next level du programme avant même que la conférence ne soit terminée. Ca existe aux USA depuis des décennies et commence à prendre une ampleur en France qui m’alarme. Je ressens comme un devoir d’alerter, prévenir, appeler à plus de vigilance et de recul.
Tout autant que mon souhait est de faire de la prévention, je suis aussi convaincue que tout est juste. Si une personne fonce tête baissée dans la magie des fausses belles promesses, c’est qu’à ce moment-là, elle avait besoin d’expérimenter cela. Et c’est Ok. Sans jugement.
Le coaching est devenu une industrie, cachant derrière elle d’autres professionnels véhiculant une autre conception plus humaniste du métier que je défends. Malheureusement, cette vision que je développe plus bas dans l’article, peut parfois sembler engloutie par la mauvaise réputation du coaching engendrée par des pratiques peu déontologiques dont de plus en plus de personnes en font les frais.
La place primordiale de l’intention
Je n’ai absolument rien contre le fait de faire du « business » grâce au développement personnel. C’est finalement ce que je fais et je ne vois aucun mal à être momentanément sur le chemin d’une personne qui se questionne. Mais je ne me reconnais pas dans les pratiques du toujours plus de séances, toujours plus de programmes qui s’enchainent les uns à la suite des autres. Il m’arrive certaines fois que mes clientes me demandent d’ajouter des séances supplémentaires à la fin d’un accompagnement. Une fin de quelque chose peut être mal vécue et générer de l’angoisse. Mais j’estime que mon rôle n’est pas de répondre à cette inquiétude. Généralement, je la ramène à sa capacité de continuer sans moi sur ce chemin de la découverte personnelle, maintenant qu’elle a retrouvée en elle quelques clés.
Finalement cela ramène, encore et toujours, à cette question de l’intention qui je m’est chère. Quelle est mon intention première ? Est-ce faire augmenter mon CA ou faciliter le déblaiement des cailloux sur le chemin de la personne ? Les deux ne sont pas incompatibles, je mets l’accent ici sur l’intention première.
Je suis consciente que l’intention n’est pas vérifiable car intériorisée et propre à chaque personne. Je ne suis personne pour dire qu’une autre à de bonnes ou mauvaises intentions. J’appelle simplement à plus de vigilance. Pour ma part, je m’appuie essentiellement sur mes ressentis pour savoir ce qui est juste pour moi, selon mon échelle de valeurs (et j’en ai conscience en fonction de mes biais cognitifs aussi).
Alors dans cette jungle, quelques bonnes questions à se poser :

Au-delà des dérives, dont à mon avis, je n’en ai perçu qu’une infime partie, je souhaiterais à travers cet article, vous amener à vous interroger pour déceler vous-mêmes les abus et éviter certains pièges.
Je vous propose quelques quelques questions qui peuvent vous aider si vous vous trouvez dans cette situation:
- Est-ce que je me sens incapable d’avancer sans ce coach ?
- Est-ce que ce coach ou ce programme va me sortir de cette période de confusion?
- Est-ce que mon bien-être ne sera accessible qu’après avoir fait ce programme / cet accompagnement ?
- Est-ce que je ressens un malaise intérieur lorsque je suis face à lui
- Est-ce que je suis en train de mettre en péril ma situation financière pour pouvoir financer ce programme ?
- Dans son vocabulaire utilisé, le coach utilise-t-il plus souvent les termes « cœur, intuition, sensibilité, émotion, valeur, chemin… » ou plutôt « business, level up, accélération, expansion, transformation, augmenter son CA ou mon CA du mois ».
- Est-ce qu’on me fait croire que je suis exceptionnelle ou encore précieuse pour le reste du groupe (l’art de flatter l’égo) ?
- Est-ce que j’ai peur de la réaction de mon entourage si je leur dis que j’ai pris un accompagnement à tant d’€ ?
- Est-ce que je ne jure plus que par ce coach ? Est-ce que je lui voue une véritable admiration (culte) ?
- Est-ce que tout à coup je me coupe de mes proches ou de toute personne qui n’appartient pas à cette « nouvelle famille idéologique » ?
- Est-ce qu’on me fait comprendre que je fais partie des éveillés en intégrant cet accompagnement, et que ceux qui ne le font pas sont encore aveuglés ou égarés?
- Est-ce qu’on me fait comprendre que plus tard ce sera trop tard ? (plus de places, tarifs plus onéreux, …)
- Est-ce que lors de l’appel découverte on m’a fait sauter d’émotions en émotions ? (l’émotion fait de la personne ce qu’elle veut)
- Est-ce qu’on me propose une solution toute prête, miracle, novatrice, clé en main, qui fonctionne à tous les coups ?
Si sur une bonne partie de ces questions, vous répondez « oui » alors je n’ai qu’un mot à vous dire : ATTENTION.
Le développement personnel ne s’étudie pas, il s’expérimente dans la vraie Vie
Quand on commence à s’intéresser au développement personnel, on lit un livre puis un suivant et encore un suivant. On s’intéresse à une technique et puis encore une autre. En bref, on acquiert des connaissances.
Se considérant plus avancé que les autres par ces connaissances, on vient même à délivrer des conseils tout cuits, parfois sans les avoir vécus, expérimentés, intégrés. Du creux, archi creux. Et vous savez quoi, je l’ai fait et me surprends encore à le faire parfois.
Le développement personnel se vit! Il s’expérimente à travers tout type de situation, à travers tout ce que nous présente la Vie, dans le confort comme dans l’inconfort. Vous savez cet inconfort qu’on met un point d’honneur à éviter à tout prix en ingurgitant des tonnes d’informations sur des méthodes visant le bonheur en toutes circonstances!
Ma vision du métier de coach
Comme pour tout, le développement personnel a du bon. Je l’utilise au quotidien dans ma vie, dans mes accompagnements et à aucun moment ici, je n’ai envie de le rejeter !
Même si je suis naturellement une personne qui aime que les gens se sentent bien dans leurs bottes, je garde à l’esprit que chacun a son histoire et son propre rythme sur le chemin de la découverte de soi.
Mon seul job, c’est d’écouter sincèrement, avec une saine curiosité de la personne, de semer quelques graines au passage qui pousseront au moment opportun. Est-ce qu’on demande à une plante pourquoi elle a mis 4 mois à pousser au lieu de 2 mois ? Non. Et bien pour les humains c’est pareil.
Je ne détiens aucune Vérité, hormis celle qui est la mienne. J’invite seulement à voir une situation sous d’autres perspectives.
Je ne vends pas du bonheur, je propose un espace privilégié de reconnexion à son essence personnelle.
Je ne fais aucune belle promesse car je ne tiens pas à rassurer.
Je ne favorise pas la dépendance en apportant une réponse à un besoin de validation extérieure.
Je me fiche du résultat car ce qui m’importe c’est le processus.
Je ne suis pas une sauveuse qui va délivrer une solution miracle et universelle, je permets à l’autre de révéler ses propres clés.
Je ne me considère pas supérieure par mes connaissances et j’apprends tout autant de mes clientes.
Je refuse des demandes d’extension immédiate suite à un accompagnement car je considère que la personne a exploré suffisamment pour retrouver les leviers de ses propres ressources.
Pour aller plus loin
Pour aller plus loin, je vous conseille quelques lectures qui ont affuté mon esprit critique et sont venues conforter ma prise de recul sur le sujet :
- « Ton autre vie » de Franck Lopvet
- « L’art subtil de s’en foutre » de Mark Manson
J’ai aussi dans ma pile à lire « Développement (im)personnel » de Julia De Funès. J’émets toutefois des réserves car son discours véhicule l’idée de la nécessité d’être médecin ou diplômé universitaire pour traiter de l’humain. Je ne suis pas tout à fait d’accord, on peut avoir fait 5 ans d’études et accompagner les personnes de manière douteuse, et au contraire ne pas avoir de formation spécifique et avoir la bonne posture de l’accompagnement. Je ne le répèterai jamais assez tout n’est pas binaire!
« Cette certitude d’avoir raison est, à mes yeux, le signe infaillible de l’erreur. »
Jean Rostand

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